
Les œuvres d’art, et notamment celles de littérature, sont bien souvent, de façon indirecte, un témoignage social d’une époque historique. C’est particulièrement visible dans son roman Les Cinq Cent millions de la Bégum, publié comme feuilleton au cours de l’année 1879. On y retrouve deux personnages, tous deux bénéficiaires d’un large héritage. Chacun décide alors de fonder des cités « idéales », selon leurs visions personnelles, pour le moins différentes. Si l’un développe une ville à visage d’acier, tourné vers la sidérurgie et la production militaire, l’autre préfère mener son projet vers un développement social, faisant écho à un certain équilibre environnemental – innovant pour son époque ! Jules Verne développe notamment, à travers la conception de cette ville idéale, des idées d’isolation thermique propre :
“les maisons seraient faites de briques. Non pas, bien entendu, de ces briques grossièrement moulées avec un gâteau de terre plus ou moins bien cuit, mais de briques légères, parfaitement régulières de forme, de poids et de densité, transpercées dans le sens de leur longueur d’une série de trous cylindriques et parallèles. Ces trous, assemblés bout à bout, devaient former dans l’épaisseur de tous les murs des conduits ouverts à leurs deux extrémités, et permettre ainsi à l’air de circuler librement dans l’enveloppe extérieure des maisons, comme dans les cloisons internes”
Le personnage de Verne propose même d’épurer la vapeur de carbone de chacune des cheminées des habitants de la cité idéale, avec des « fourneaux spéciaux » :
“Chaque pièce a sa cheminée chauffée, selon les goûts, au feu de bois ou de houille, mais à toute cheminée correspond une bouche d’appel d’air extérieur. Quant à la fumée, au lieu d’être expulsée par les toits, elle s’engage à travers des conduits souterrains qui l’appellent dans des fourneaux spéciaux, établis, aux frais de la ville, en arrière des maisons, à raison d’un fourneau pour deux cents habitants. Là, elle est dépouillée des particules de carbone qu’elle emporte, et déchargée à l’état incolore, à une hauteur de trente-cinq mètres, dans l’atmosphère.”